PJ HARVEY – White Chalk
Vous vous souvenez de Dry, Rid of Me, To Bring You My Love… c’était hier ou presque. Une succession de baignes électriques où la belle du Somerset venait infliger une leçon de rage, de classe, d’énergie et de talent au monde du rock. On ne s’en est jamais vraiment remis. Au fil du temps, PJ Harvey s’est faite moins furieuse, mais s’est attachée à chiader toujours un peu plus ses compositions pour livrer, par exemple, Stories from the City, Stories from the Sea – un album splendide, mais au sujet duquel beaucoup firent la fine bouche, alors déçus de la voir s’assagir. On peut se calmer sur la durée, faire la même chose mais moins intensément, ce qu’elle fit alors. On peut aussi tout changer ou presque, ce qu’elle fait aujourd’hui. Car plus qu’un nouvel album, c’est une mutation qui s’opère, une rupture comme seule peut s’autoriser l’immense et imprèvisible artiste qu’elle est.
Pour commencer, Polly Jean a rangé sa Gretsch dans l’armoire. Oui, vous avez bien lu : pas une note de guitare électrique dans White Chalk. Quelques accompagnements acoustiques, un peu de mandoline, de la harpe… Les cordes pincées sont rares, elles seront donc frappées : le piano occupe ainsi tout l’espace mélodique avec la voix, pleine ou chuchotée de la belle Anglaise. Derrière, à peine une basse, quelques cœurs angéliques, de l’orgue parfois, des percussions discrétes… Nous voilà partis pour une fresque pudique et brève (à peine 35 minutes), mais d’une intensité émotionnelle peu commune. A l’unisson de la magnifique photo de l’album, nous plongeons dans un univers victorien, romantique et nostalgique. Sœur Brontë perdue ou Alice désenchantée au pays des merveilles, PJ Harvey brode sur sa robe blanche les mélodies de la perte, de l’attente, de l’espoir, du pardon, et c’est magnifique. Oui, beau, triste et magnifique. Tant de musiciens rÍveraient d’écrire des titres aussi simples et somptueux que Dear Darkness, Broken Harp ou Mountain…
White Chalk culmine enfin avec Silence, une chanson comme on n’en avait pas entendue depuis… depuis quoi d’ailleurs ? Y flotte cette mélancolie universelle des amours perdues. Vous rappelez-vous ? Vous étiez avachi dans ce bar de nulle part, malheureux comme un chien, vous aviez un peu trop bu. Polly Jean continuait son chemin sans vous. Elle s’était approchée, vous avait caressé la joue et dit doucement : “Ne sois pas triste, tu sais bien que je suis une fille invivable.” Et comme vous pleurnichiez encore, elle s’était retournée pour vous murmurer : “Silence.”
Martin Terrier
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